Les
coquillages marins de l'ambre sont des "bio-marqueurs" (suite)...
En filtrant l'eau marine, les bivalves fixent et concentrent dans leur
corps des éléments minéraux et des oligo-éléments
présents dans le milieu benthique... C'est ce caractère
de filtration-concentration qui est sans doute à l'origine de
certaines fluorescences très étranges des espèces
piégées vivantes transformées en fossiles... Les
mollusques marins, lorsqu'ils ont été piégés
vivants par le suint végétal (les résines surtout
africaines) offrent des
fluorescences jaunes très marquées. Sans doute par
la concentration du potassium, phosphore, magnésium, fer, zinc,
cuivre, manganèse, sélénium, etc... éléments
conservés seulement
dans certaines gemmes.
Sans faire de long développement, il faut distinguer "bio-marqueur",
"bio-indicateur" et "espèce sentinelle"...
Ces trois notions sont souvent confondues car, évidemment, elles
sont liées et combinées dans le vivant et alors amalgamées
(mal différenciées) dans les rapports donnés par
certains naturalistes.
Pour faire simple :
1) Un "bio-marqueur " est un élément
(chimique ou organique) plus ou moins visible qui caractérise
un individu. Le dit individu est observé le plus souvent vivant
dans sa population. Le bio-marqueur est alors un paramètre, un
signal unitaire, (ce qui veut dire : un signal sur un seul individu)
qui peut être biochimique, cellulaire, physiologique ou même
comportemental. Le signal est quantifié, mesuré dans l'organisme
(de l'individu). La présence ou le défaut du signal rapporté
à sa fréquence naturelle constaté dans l'espèce
considérée permet de déduire des notions biologiques
comme le degré de stress enduré (pollution de l'eau, de
l'air ou autre). Le bio-marqueur est donc une trace sur le sujet qui
marque et imprègne l'individu vivant qui évolue dans son
milieu. Donnons un exemple. Celui qui marche pieds nu dans le sable
aura la peau burinée. Si le sable est particulièrement
coupant, il aura alors des gerçures... Si le sable est bleu,
l'individu aura d'autant plus les pieds bleus (imprégnés
par les éléments du sol concentrés alors dans l'épiderme
buriné des orteils). "Pied bleu-peau épaisse"
est donc un caractère qui varie d'un individu à l'autre
selon le déplacement des sujets...
2) L'espèce sentinelle, c'est autre chose. C'est le repérage
simple d'une présence vivante (animale ou végétale)
qui renseigne alors sur l'unité du paysage... Puisque telle espèce
vivante existe dans cette unité du paysage, on peut en déduire
ceci et cela... Ce n'est pas spécialement la variation ici qui
est recherchée mais d'avantage la présence (ou pas) de
l'espèce et le rapport qu'elle entretient avec d'autres séries
synchrones. L'espèce sentinelle est un témoignage avéré
du caractère particulier du biotope (humide, désertique,
montagnard, marins)... Un exemple : Il y a ici des nénuphars
d'eau... Nous sommes alors dans un biotope humide.
3) Le bio-indicateur est une notion cette fois transversale.
C'est une sorte de drapeau générique planté dans
le paysage par dessus les individus et les espèces, drapeau qui
raconte une notion générale. Plus le drapeau est ostentatoire,
plus le caractère indiqué est représenté
sur le site. Prenons deux cas... Plus il y a de pollens de plusieurs
types distribués dans un site, plus forte est la probabilité
d'avoir une forte biodiversité de fleurs et donc en amont des
espèces pollinisatrices (inféodées aux fleurs)...
Si tous les animaux sont dépigmentés, alors on se trouve
certainement dans une grotte (sans lumière), etc. Pollen et pigment
sont donc des "drapeaux" qui indiquent des choses sur le caractère
spécifique des lieux. L'indicateur transversal ici n'est pas
corrélé à un individu donné et n'est pas
non plus lié à une espèce... C'est bien une notion
générale par dessus les espèces qui signe une particularité
au site...
Tout cela pour dire que les coquillages marins devenus des inclusions
fossiles de l'ambre peuvent être étudiés selon ces
trois notions proches (différentes et complémentaires).
En tenant la biologie des mollusques et les spécificités
des bivalves filtreurs retrouvés dans l'ambre on peut avoir alors
une lecture sur l'étendue bathymétrique du plateau sédimentaire
où s'accumulent les dépôts de résines...
La lecture hyper précise dépasse de beaucoup l'approximation
théorique... Voyons la chose...
En effet, outre l'examen des coquillages, la forme des ambres permet
aussi et surtout de déduire de précieuses informations.
La taphonomie, (qui exploite l'allure générale, la forme
des éléments unitaires et leurs conditions d'arrivées)
permet de préciser le type de dépôt... Ecrasés
par les sable alentours (dépôt de colluvions en pentes),
roulés par les flots et alors devenus parfaitement sphériques
par les courants incessants des marées, tombés à
plat sur des boues séchées au soleil...
La FORME, la CONFORMATION des ambres raconte rigoureusement et très
précisément le type du dépôt.
Cuvette d'eau stagnante chauffée au soleil dans les dunes ouvertes
su l'océan avec une évaporation cyclique et renouvelée,
delta de rivière sur l'estran, ligne d'un front côtier
érodé avec des chutes fluviatiles qui comblent une lagune,
dépôts calmes et triés par la gravimétries
des particules dans les mangroves ensablées lentement, dépôts
concentrés selon les courants des marées dans des chenaux
anastomosés (ce type de chenal où la vitesse de l'eau
est faible), bref, tous les dépôts ont des caractères
dynamiques qui modèlent la forme et le volume des ambres... Les
sécrétions végétales souples, plastiques,
mémorisent les forces d'érosion en action... Et les coquillages
(portion amorphes attrapées au hasard) complètent le tableau
et racontent le caractère bathymétrique du plateau...
L'un dans l'autre on peut lire le biotope marin au mètre près...
L'ambre restitue une vue précise des biotopes antiques et même
les variations spatiales les plus fines selon chaque unité du
paysage...
Par exemple les ambres qui contiennent les éclats de nacre sont
ceux déposés en cuvette d'eaux stagnantes, chauffées
au soleil... Et les éclats de nacre, (restes d'huitres désagrégées,
sans doute) ont été concentrés par le vent...
La taille des inclusions calibrées, la forme des ambres et la
biologie des espèces marines permettent de tenir des tableaux
à plusieurs entrées où, au final, la lecture déductive
est d'une précision absolue...
Les ambres marins et le cortège des
coquillages incrustés est une exploration infiniment intéressante
car d'une précision incroyable...